C.P. Courtney
Christ’s College, Cambridge
BELLE DE ZUYLEN ET JAMES BOSWELL, UNE AMITIE LITTERAIRE silhouet

Conférence donnée au château de Zuylen le 23 octobre 1976.

I

‘Les mariages manqués de Belle de Tuyll’; ‘Boswell in search of a wife’ - c’est dans ce double cadre sentimental qu’on a l’habitude de décrire les rapports entre Belle de Zuylen et son ami écossais James Boswell.1 Cependant, quelle différence entre le futur auteur de la Vie de Samuel Johnson et cette collection de médiocrités qui peuplent la fameuse galerie d’‘épouseurs’ de Belle de Zuylen! Et quelle différence entre Belle de Zuylen, la femme la plus brillante, la plus intelligente, que Boswell ait jamais rencontrée, et toutes ces braves Ecossaises dont il inscrit de temps en temps le nom sur sa liste d’épouses possibles! Cette amitié entre deux jeunes auteurs en pleine activité créatrice, qui sont déjà, à leur insu, sur le chemin de la célébrité littéraire, on aurait tort de la réduire à une banale histoire sentimentale. Personne ne niera l’importance de l’aspect sentimental de leur amitié; mais c’est un aspect qu’il faut compléter en plaçant leurs rapports sur le plan intellectuel et littéraire. C’est par un poème que Boswell annonce dans son journal sa première rencontre avec Belle; c’est par son nom littéraire ‘Zélide’ - qu’il la désigne habituellement; et c’est par une querelle littéraire, à propos de la traduction de l’ouvrage de Boswell sur la Corse, que prend fin leur correspondance. Belle et Boswell ont chacun leur style et chacun leur manière d’interpréter l’expérience: étudier les documents sur cette amitié qui nous sont parvenus, c’est étudier des documents littéraires qu’il faut lire à la lumière d’une certaine psychologie, d’une certaine vanité d’auteur.

Boswell en Hollande
C’est en août 1763 que James Boswell arrive pour un séjour de dix mois à Utrecht, où son père l’a envoyé suivre des cours de droit à l’Université.2 Il fait la connaissance de Belle en octobre, et bientôt il la verra très souvent, à Utrecht d’abord, au cours de l’hiver, et ensuite à Zuylen, où il deviendra un fréquent visiteur. En Boswell, Belle trouve un jeune homme intelligent qui a le même âge qu’elle, qui est au courant de la littérature et de la philosophie de l’époque, et qui a déjà publié quelques petits écrits en vers et en prose. Les nouveaux amis ont bien des points communs. Ils ont, par exemple, la même impatience à l’égard du milieu calviniste où ils sont nés tous les deux: Belle, se sentant à l’étroit dans la société hollandaise, déclare qu’elle ’n’est d’aucun pays’; Boswell, qui préfére Londres à Edimbourg, est en train de devenir un esprit cosmopolite, et en 1764 il entreprendra ce grand voyage d’Europe où il rencontrera Rousseau, Voltaire, Paoli et d’autres grands hommes de l’époque. Belle et Boswell ont également des points communs sur le plan psychologique: ils ont chacun une étonnante mobilité d’esprit et se plaignent d’une noire mélancolie qui alterne avec une folle gaieté. Mais la ressemblance essentielle entre les deux amis, c’est qu’ils éprouvent la même manie de jeter sur le papier tout ce qui leur passe par la tête, le même irrésistible besoin d’écrire, et surtout d’écrire sur eux-mêmes. Pour Belle, comme pour Boswell, vivre ne suffit pas: il faut se regarder vivre, se dédoubler, se détacher de soi, pour que le moi qui tient la plume puisse analyser et fixer l’autre moi qui vit et agit. Ils écrivent en secret; pourtant leur vanité les pousse à se montrer à quelqu’un, et ils ont chacun leur confident: Boswell envoie son journal par tranches à un ami sûr en Angleterre; Belle adresse ses analyses personnelles à Constant d’Hermenches, ne doutant pas de la discrétion de ce confident qu’elle a choisi elle-même.
Mais, s’il y a des ressemblances entre les deux amis, il y a aussi des différences. Boswell se déclare hostile à cette liberté d’esprit, à ce désir de tout mettre en question qu’on trouve dans les écrits de Belle. On sait combien elle choque la bonne société hollandaise par la liberté de ses propos et le peu de respect qu’elle témoigne pour les conventions. Dans ses lettres à Constant d’Hermenches elle n’hésite pas à tout critiquer à la lumière de la nature et de la raison pour aboutir à des idées fort peu orthodoxes sur le mariage, la morale et la religion. On y trouve parfois un véritable libertinage d’esprit, quand, par exemple, elle déclare, dans un passage devenu célèbre, que, si elle n’avait ni père ni mère, elle serait Ninon peut-étre!3 Boswell, au contraire, ne veut choquer personne: il accepte les conventions sociales, et, très traditionnaliste en tout, il se plaint, par exemple, que les Hollandais ne respectent pas la pureté de leur langue: ‘The Dutch language is an old, strong, rich language... It has annoyed me to hear so much French mixed with the Dutch. It is a scandalous business that free peoples should in that fashion decline every day from the sober strength of their respectable ancestors.’4 Cependant, le cas Boswell est complexe, car le Boswell que rencontre Belle à Utrecht est un jeune homme en train de se réformer qui souhaite rejeter une très grande partie de son passé. Pour bien comprendre Boswell en 1763, il faut remonter un peu en arrière. On trouve dans le journal que Boswell rédige en Hollande, ainsi que dans ses lettres de cette époque, de nombreuses allusions au genre de vie qu’il avait mené avant sa réforme. Par exemple, il écrit le 20 janvier à son ami et confident Temple: ‘I shall ever reverence Utrecht, for it was there that I first began to act upon steady and manly principles. I am already not a little altered. But altered for the better. However, I must guard against extremes. No longer ago than last winter, I was the ardent votary of pleasure, a gay sceptic who never looked beyond the present hour, a hero and a philosopher in dissipation and vice...’5 Pour se convaincre que Boswell dit la vérité, il suffit de lire son journal de 1762, où il décrit avec une franchise parfois déconcertante la vie de libertin qu’il menait à Londres.6 Mais Boswell n’est pas un libertin ordinaire: en usant et abusant de sa faculté de dédoublement, il réussit à se convaincre que le jeune débauché qu’il décrit dans son journal n’est pas le vrai James Boswell. Cependant, où trouver le ‘vrai’ James Boswell? En réalité, cet être mobile n’a jamais réussi à résoudre ce problème: plusieurs James Boswell réussiront à coexister tant bien que mal en lui jusqu’à la fin de sa vie. C’est la recherche de son identité qu’il poursuit tout au long de ses nombreux journaux, qui fait le prix de ces merveilleux documents littéraires et psychologiques.
La réforme personnelle entreprise par Boswell au moment où il commence son séjour en Hollande est un sérieux effort pour fixer sa personnalité. Il s’agit aussi, au moins en partie, d’une réforme inspirée par sa vanité. Très ambitieux, ce jeune Ecossais naïf veut devenir un jour ‘un grand homme’ (‘a great man’), qui sera admiré et respecté par la société. Il se rend compte qu’il existe un Boswell sérieux, naturellement porté à respecter les conventions sociales, la saine moralité et la religion. Mais il ne sait que trop bien qu’il existe aussi un Boswell débauché, paresseux, grotesque, clownesque même. Il y a un Boswell sage, l’ami du grave moraliste Samuel Johnson, qui s’entretient sérieusement de littérature et de philosophie avec les grands auteurs de l’époque; il y a d’autre part un Boswell clown qui, un soir au théâtre, a l’idée saugrenue d’émettre un beuglement de vache à la grande joie du public qui s’empresse de s’écrier: Bis, bis, et Boswell accepte, au désespoir des acteurs, de démontrer encore une fois son remarquable don d’imitateur.
Pour Boswell, se réformer, c’est mettre de l’ordre dans ce chaos, c’est fixer cette mobilité qui le plonge dans une mélancolie profonde en lui donnant l’impression que la vie n’a pas de sens. Il faut qu’il se donne un but: ce sera celui de cultiver son intelligence, de se préparer à sa carrière de ‘grand homme’. Il faut également qu’il supprime ce côté libertin, léger et clownesque de sa personnalité qui est étranger au ‘vrai’ Boswell. Il lui faut aussi un modèle, un mentor: ce sera le Dr Johnson pour qui Boswell est déjà presque un fils adoptif. Mais pour qu’il mène à bien sa réforme, il est encore un élément indispensable: c’est l’élément littéraire - son journal. Selon Boswell, un homme ajuste son caractère dans son journal, comme une femme ajuste sa robe devant une glace. Grâce à son journal, il peut se donner de sages conseils tous les matins, et tous les soirs passer en revue sa conduite de la journée. James Boswell, on le sait, a passé sa vie à se donner de sages conseils - et à ne pas les suivre. Mais son séjour en Hollande fait exception à la règle: c’est la seule époque de sa vie où il soit parvenu à se conduire d’une manière telle qu’il ne trouve pas de reproche à s’adresser, mais ce résultat n’est obtenu qu’au prix d’une lutte acharnée contre sa terrible mélancolie et contre sa mobilité. Dès son départ d’Utrecht, il renouera, et non sans enthousiasme, avec sa vie de libertin.

II

C’est dans son journal, à la date du 31 octobre 1763, que Boswell fait allusion pour la première fois à Belle de Zuylen: ‘And yet just now a Utrecht lady’s charms Make my gay bosom beat with love’s alarms’.7 Je ne cite que le début de ce très mauvais poème. Il ne faut pas prendre au sérieux ce que dit Boswell de son amour pour Belle. S’il est amoureux à ce moment-là, c’est de celle qu’il appelle ‘la veuve’, Mme Geelvinck, qui lui inspire une passion dont il parle très souvent. Mais ce qu’on peut prendre au sérieux, c’est la petite note de la même date que le poème, où il écrit: ‘At night you was absurdly bashful before Miss de Zuylen... You put on foolish airs of a passion for Miss de Zuylen’. Ici, Boswell est en train de passer en revue sa conduite de la journée: il n’est pas content de sa manière de se conduire devant celle qu’il n’appelle pas encore ‘Zélide’. On trouve la même réaction dans le passage suivant, tiré du journal à la date du 12 novembre: ‘You passed three hours at Brown’s with Miss de Zuylen. You was too much off guard, and gave way too much to instantaneous fancy... You was a little light headed’8
Le 28 novembre il réussira mieux: ‘You played a party with a prince and Miss de Zuylen. You was shocked, or rather offended, with her infinite vivacity. You was on your guard: at supper you was retenu...’9
‘You was too much off guard’ - c’est le style perpétuel des reproches qu’il s’adresse chaque fois qu’il se sent en danger, chaque fois qu’il court le risque de ne pas rester fidèle à ses ‘principes’. Evidemment, chaque fois qu’il voit Belle de Zuylen, il parle trop, il devient trop gai, trop spontané. Quant aux réactions de Belle devant son nouvel ami, elle écrit à d’Hermenches: ‘Quand je vais à l’assemblée, je cause et je joue avec un jeune Ecossais tout plein de sens, d’esprit et de naïveté.’10 Ce qui plaît à Belle, c’est cette gaieté, cette spontanéité, que Boswell se reproche.
Bien qu’il se déclare ‘choqué’ par la vivacité de Belle, Boswell ne résiste pas au plaisir de s’entretenir avec elle: sa franchise lui plaît malgré lui. Le 8 février 1764, il lui propose ce qu’il appelle ‘un pacte de franchise’. ‘You said to Zélide, "Come, I will make a pact of frankness with you for the whole winter, and you with me". You talked freely to her of prudence’. Mais, brusquement, il se rend compte qu’il a oublié ses sages conseils: le partisan de la prudence à été imprudent: ‘But you talked too much. They all stared. Be on guard’.11
Belle acceptera de parler très librement à Boswell; elle lui parlera d’amitié, de morale et de religion; elle lui parlera aussi de sa mélancolie. Mais Boswell, pour sa part, n’a pas vraiment l’intention de parler à son amie avec une franchise totale: il évitera de lui parler de sa mélancolie à lui, il ne lui parlera pas de son journal, il passera sous silence certains problèmes métaphysiques et religieux qui le tourmentent, et quant à sa vie de libertin, ce n’est pas avec une jeune fille qu’il consentirait à en parler. La ‘franchise’ de Boswell vis-à-vis de Belle consistera à lui parler des idées du ‘vrai’ Boswell, c’est-à-dire du Boswell réformé, source intarissable de bons principes et de sages conseils. Son rôle sera, comme il le dit lui-même, celui de Mentor.

Boswell Mentor
L’idée de Boswell Mentor peut faire sourire. S’il considère qu’il est en mesure de jouer ce rôle tellement inhabituel pour lui, c’est peut-être qu’il pense que Belle de Zuylen a des défauts de caractère qu’il ne connaît que trop bien. Le 9 février 1764, il dit à Mme Geelvinck: ‘It was only a year ago that I was the slave of imagination and talked like Mademoiselle de Zuylen. But I am making great advances in prudence.’12
Mais comment Boswell peut-il donner des conseils à une jeune fille qui lui donne des complexes d’infériorité? Le 17 avril, il écrit à Temple: ‘She is a charming creature. But she is a savante and a bel esprit, and has published some things. She is much my superior. One does not like that.’13 Cependant, il reprendra courage. Trois jours plus tard, il a une conversation avec son ami Reynst, qui lui dit: ‘But really, though Mademoiselle de Zuylen has a great deal of wit, she tries too hard to be subtle. She was brought up at Geneva, where certainly there is unlimited wit among the ladies. But they lack good principles. They sometimes sacrifice probity to brilliance.’ Boswell est frappé par cette analyse du caractère de son amie: ‘Reynst changed to some extent my idea of Zélide. However, I fought like her champion. I said: "That young lady makes me feel very humble, when I find her so much above me in wit, in knowledge, in good sense". "Excuse me", said Reynst, "She lacks good sense and consequently she goes wrong; and a man who has not half her wit and knowledge may still be above her." I made no reply to that. I thought it very true, and I thought it a good thing. For if it were not for that lack, Zélide would have an absolute power. She would have unlimited dominion over men, and would overthrow the dignity of the male sex.’14 Rassuré, Boswell peut jouer son rôle de Mentor, car Belle, malgré son esprit brillant, serait dépourvue de ‘bons principes’. Boswell, après s’être réformé lui-même, va entrependre la réforme de Belle de Zuylen.
Boswell, pendant son séjour à Utrecht, a assez bien réussi dans son rôle de sage philosophe. On en trouvera la preuve dans le fait que Belle écrira plus tard à Constant d’Hermenches: ‘Boswell est parti il y a trois semaines. Il m’a parlé jusqu’au bout morale, religion, amitié. Il est si honnéte homme qu’il en paraît singulier dans ce siècle pervers.’15
Boswell se rend compte de son succès: il dira quelques mois plus tard (le 5 décembre 1764) à Jean-Jacques Rousseau: ‘During my spell of melancholy at Utrecht, I made the acquaintance of a young lady, very rich and of the first rank. I behaved in such a way as to be honoured with the reputation of a philosopher.’16
Si Boswell a si bien réussi dans son rôle, c’est parce qu’il est un merveilleux causeur, et son mélange de sérieux et de naïveté, qui plaira à des hommes aussi différents que Rousseau et Voltaire, et qui plaît déjà à ce grand génie de la conversation qu’est Samuel Johnson, ne peut manquer de plaire à Belle de Zuylen. Comme il est dommage que Boswell, qui a noté avec un tel soin toutes ses conversations avec Johnson, Voltaire, Rousseau, Paoli, Burke, Goldsmith, Garrick, Reynolds - comme il est dommage qu’il n’en ait pas fait autant pour celles qu’il a eues avec Belle! Cependant, il y a des passages de son journal qui résument assez bien quelques-uns de leurs entretiens: ‘I talked to her seriously and bid her marry a bon baron of good sense and amiable manners who would be her superior in common life, while he admired her fine genius and all that. She said she would marry such a man if she saw him. But still she would fain have something finer. I told her that she erred much in wishing for what could not last. I said she would never have a man of such sensibility. "For instance, I would not marry you if you would make me King of the Seven Provinces." In this fine, gay, free conversation did the minutes fly. I don’t remember the half of what we said.’17 (25 mai 1764).
Belle fait allusion à la même conversation dans une lettre à d’Hermenches: ‘Il me dit l’autre jour que quoique je fusse a charming creature, il ne serait pas mon mari, eussé-je pour dot les sept provinces unies; et je trouvai cela fort bon.’18 Elle raconte aussi à d’Hermenches une autre conversation qu’elle a eue avec Boswell: ‘"Est-il possible, me disait-il, que vous négligiez de vous faire respecter quand cela vous serait si facile?... Gardez toutes ces folies, que vous dites à qui veut les entendre, qu’on ne comprend pas, et qu’on interprète mal; gardez-les pour moi, pour votre ami, dites-les en anglais..."’ et elle ajoute: ‘Je trouve pourtant qu’il a quelque raison, et si je ne craignais le ridicule de l’affectation, et encore plus le tourment de la gêne, j’essaierais peut-être.’ Elle continue dans un passage où l’on voit que Boswell moraliste l’intéresse: ‘Vous devez voir combien son idée est assortie à son caractère. Il respecte l’humanité, il veut que ceux qui l’honorent se distinguent et qu’on leur rende hommage; il aime que la vertu s’annonce par un extérieur imposant, que ce qui l’accompagne prenne un air de grandeur qui subjugue d’avance le vulgaire. L’austérité de sa morale ne lui fait pas condamner les plaisirs d’une imagination vive, d’une conversation libre; mais il veut qu’on les prenne en forme de récréation, que je me relâche avec lui, que je me divertisse, comme un prince oublie la pourpre et le pouvoir avec ses favoris... Boswell prend d’avance plaisir au respect qu’il compte s’attirer un jour.’19
Il est évident que, sur le plan de la conversation, Belle et Boswell s’entendaient à merveille, fait qui n’est pas passé inaperçu dans la société: ‘Richardson could not well understand Zélide and me. "It is lucky", said Mr Chaplain to me, "that you are to be no longer together; for you would learn her nonsense, and she would learn yours."’ Et Boswell ajoute: ‘He was right. Our airy speculating is not thinking.’20 (14 juin 1764) Donc, Boswell n’est pas content. Mentor n’a pas réussi à réformer Belle de Zuylen. Les leçons vont continuer par correspondance. Avant de passer à leur correspondance, il convient de s’arrêter un instant pour considérer l’aspect sentimental de leur amitié. Il est évident que Boswell pense à la possibilité d’épouser Belle, car il pense au mariage chaque fois qu’il rencontre une jeune fille de bonne famille qui lui plaît. Mais il note à plusieurs reprises dans son journal que Belle ne pourrait lui convenir:
‘Zélide was nervish. You saw she would make a sad wife and propagate wretches.’21 (18 avril 1764) ‘She sang and repeated verses, but was too forced-meat. She would never make a wife.’22 (3 mai 1764)
Cependant, il se rend compte, vers la fin de son séjour en Hollande, qu’il éprouve beaucoup de tendresse à son égard. Le 10 juin, il écrit dans son journal: ‘She owned to me that she was a hypochondriac and that she had no religion other than of the adoration of one God. In short, she discovered an unhinged mind; yet I loved her.’23 Et en même temps, il est convaincu que Belle est amoureuse de lui: le 11 juin il écrit: ‘You would be miserable with her. Yet she is to write, and loves you.’24 Le 17 juin il écrit à Temple: ‘Temple, be assured that I could have this angelic creature for my wife. But she has such an imagination that I pity the man who puts this head into her power. For my part, I choose to be safe.’25

III

La correspondance
Boswell, qui devait partir pour l’Allemagne le 18 juin, fait ses adieux à Belle de Zuylen le 14; cependant, il revient à Zuylen le 17, et Belle lui donne une lettre qu’elle avait déjà écrite, et qui marque le début de leur correspondance. C’est une très belle lettre, presque un journal, où Belle analyse la mobilité de ses sentiments en pensant au départ de son ami. Elle écrit avec sa franchise habituelle et avec ce mélange de pénétration et d’ironie qui fait penser à Voltaire: ‘Malgré toute votre philosophie, vous êtes fort curieux, mon ami, de savoir comment je suis pour vous, il y aurait plus de dignité, peut-être, à ne pas le dire, mais je ne me soucie pas de la dignité, je dédaigne l’art qui chez vous est en vénération... je suis naturellement disposée à dire ce que je sens, et ce que je pense.’ Et elle dit très franchement quelque chose qui va choquer Boswell: ‘Vous, mon philosophe ami, m’avez paru avoir les agitations d’un amant...’ Elle dit qu’à cause de ces agitations, elle a été ‘distraite’. Puis elle donne libre cours à son libertinage d’esprit d’une manière qui ne manquera pas de déplaire à Boswell: ‘J’aimerais assez un mari qui me prendrait sur le pied de sa maîtresse; je lui dirais: ne regarde pas la fidélité comme un devoir tant que j’aurai plus de charmes, plus d’esprit, plus de gaieté qu’une autre.’26
Boswell, qui est sur le point de partir - pour de bon cette fois - n’a pas le temps de répondre à tout ce que dit Belle dans sa lettre, mais il lui envoie un court billet dans lequel il lui dit qu’elle se trompe en pensant qu’il éprouve de l’amour à son égard: ‘I was honest or simple enough to leave her a short letter, assuring her that I was not amoureux, but would always be her fidèle ami. ’27 Belle répond le lendemain: ‘C’est tant mieux mon ami, c’est tant mieux que je me sois trompée... Votre amitié vaut mieux que de l’amour, vous en êtes plus estimable de savoir aimer comme cela, moi je suis plus flattée d’être aimée comme cela...’ Et elle assure Boswell que la tendresse passagère qu’elle avait éprouvée à son égard relevait uniquement de la mobilité de ses sentiments. Pour le rassurer complètement, elle ajoute: ‘Vous aviez bien raison de dire que je [ne] vaudrais rien pour votre femme. Nous sommes parfaitement d’accord là-dessus. Je n’ai pas les talents subalternes’.
Belle comprend que son ami se prend trop au sérieux pour qu’on puisse le taquiner sur ses sentiments intimes. D’autre part, il est parfait dans son rôle de Mentor: qu’il continue donc dans ce rôle: ‘Pourquoi vous repentiez-vous avant-hier du personnage de Mentor? Il vous a fait beaucoup d’honneur dans mon esprit. J’ai vu à la fois combien vous aviez de raison, de bonté, et d’amitié pour moi, et j’en ai pris beaucoup pour vous.’28 Mentor répond de Berlin le 9 juillet par une longue lettre de 17 pages.29 Boswell y fait allusion dans son journal: ‘I wrote to her with the serious freedom of a friend, convinced that she could never have me for a lover, and assumed the tone of a preceptor.’30 (25 août 1764)
Boswell a raison de parler du ‘tone of a preceptor’: en effet, Mentor est devenu pédant, et la manière dont il donne des conseils est, du moins pour le lecteur moderne, très déplaisante. Mais, ce qu’il y a de plus ridicule dans cette lettre, c’est que Mentor veut que Belle lui dise qu’elle l’aime - et cela sans que lui s engage à lui en dire autant. La première partie de la lettre a plu à Belle. Elle le dira plus tard à Boswell: ‘J’y trouvai des traits qui me ravirent, essors sublimes d’une belle âme, échauffée par le feu de la plus vive amitié. J’en a relu les premiers feuillets, je les ai fait admirer à d’Hermenches, je les relirai encore’31 Mais la fin de la lettre lui déplaît, et elle ne répond pas. Elle ne répondra que le 27 février, après avoir reçu deux autres lettres de Boswell, qui se plaint de son long silence. Elle lui dit, avec une franchise qui ne laisse rien à désirer: ‘Je fus choquée et affligée de voir chez un ami que je croyais un jeune homme et un sage, la puérile vanité d’un fat jointe à la rigidité orgueilleuse d’un vieux Caton.’32
La réponse de Boswell est perdue. Il n’en reste qu’un fragment qu il a supprimé et qu’il n’a pas osé envoyer: ‘Sachez, ma chère amie, que je suis prêt de vous faire un récit dont vous serez étonnée... Croyez-moi, Zélide, c’est vous qui n’as [sic] assez pénétré le caractère singulier de votre aimable et fier Ecossais’.33 On peut deviner le contenu de la lettre reçue par Belle d’après sa réponse, qui date du 25 mai 1765: ‘Je vous aime en vérité beaucoup, et à présent que vous me dispensez de me dire et de me croire amoureuse, tout ira bien entre nous; comme vous dites fort bien, nos plus beaux jours vont venir.’34
Leur correspondance de cette époque, telle que nous l’avons, s’arrête ici, elle ne reprendra qu’en 1768. Mais pour combler cette lacune nous disposons de quelques lettres de Boswell au père et au frère de Belle, parmi lesquelles la plus importante est celle du 16 janvier 1766, où il demande Belle en mariage.35 C’est encore une lettre très pédante. Boswell ne cache pas à M. de Zuylen que le caractère de sa fille lui cause quelque inquiétude, et il lui déclare qu’il ne l’épouserait qu’à la condition qu’elle jure solennellement de ne jamais rien publier sans l’autorisation préalable de son mari, et de ne jamais entretenir aucune correspondance clandestine. Dans sa réponse, M. de Zuylen fait savoir très poliment à Boswell que sa fille doit épouser Bellegarde.36 Néanmoins, Boswell désire revoir son amie et se décide à repasser par Utrecht avant de rentrer dans son pays, mais la mort de sa mère bouleverse ses projets et il rentre directement en Ecosse.

IV

Dans cette correspondance, les lettres de Boswell nous déçoivent: cette pédanterie et cette vanité ridicule nous paraissent insupportables. Les lettres de Belle, d’autre part, sont, par leur style, leur ironie et leur pénétration, parmi les plus belles qu’elle n’ait jamais écrites.
Si les lettres de Boswell manquent de naturel, c’est qu’il est troublé chaque fois qu’il écrit à son amie. Dans ses lettres à Temple, d’autre part, il est d’un naturel parfait, et sait communiquer admirablement toute la mobilité de son esprit et ses réactions devant la comédie humaine, comédie dont il fait partie lui-même, car maintenant il a renoncé à l’application rigide de ses sages principes et ne méprise plus la poursuite du plaisir. Mais Temple est un homme, et Boswell peut tout lui raconter, comme il racontera tout à Jean-Jacques Rousseau. Belle de Zuylen est une jeune fille: une franchise totale est interdite. Il est un fait qui complique leurs rapports: Boswell est troublé par un problème auquel il ne parvient pas à trouver de réponse: Belle de Zuylen lui conviendrait-elle comme épouse? Il sait que Belle est la jeune fille la plus remarquable, la plus intelligente, qu’il ait jamais rencontrée, mais elle a des idées et des traits de caractère qui l’inquiètent. Voici comment il décrit son dilemme à Temple, dans une lettre du 23 juillet 1764:
‘I find strange fancies coming into my head that I might not do amiss to bring home with me the daughter of one of the first nobles of Utrecht: that I might by that means have an immediate independent fortune of £1000 a year; that I might live in supreme happiness with a handsome and accomplished lady. But on the other hand, Zélide is of a bad constitution. Her spirits are unequal. She is either wretched or excessively blessed. She has no prudence, and although she has the best heart in the world, her ungoverned fancy may make her do many wrong things and make a husband very uneasy. Then Sir, she is a metaphysician and a mathematician too. Is not all this too much? After the first year should I not be very miserable with such a woman?’37
Incapable de trancher le problème, Boswell demandera conseil à tous ses mentors; après Temple, ce sera le tour de Jean-Jacques Rousseau et de John Wilkes. Quand finalement il demandera Belle en mariage, ce sera après avoir consulte son frère, Willem-René de Tuyll.
Mais le facteur essentiel qui, à mon avis, complique leur amitié, relève du caractère littéraire de leurs rapports. Boswell mentor, c est Boswell qui joue un rôle littéraire: c’est Boswell qui se dit, ‘Be Johnson’ (Soyez comme Samuel Johnson, prenez-le comme modèle). Tous les matins pendant son séjour à Utrecht, il fait son portrait dans son journal, et quand il rend visite à Belle, c’est pour se conduire d’une manière conforme à ce portrait d’un Boswell idéal. Sur le plan de la conversation, nous l’avons vu, il réussit parfaitement. Mais sur le plan de la correspondance, le rôle de Mentor est un rôle ingrat: un monologue remplace la conversation, et Mentor devient vite ennuyeux. Boswell se trouve plus ou moins condamné à jouer ce rôle: il est enfermé dans ce personnage qu il a créé avec tant de minutie; il ne peut pas parler à Belle comme il parle à Temple ou à Rousseau, et quand il essaie de parler de son amour, il s’empêtre dans des contradictions parce qu’il n’est pas certain de vouloir épouser son amie. Pour Boswell, jouer le rôle de Mentor à Utrecht, était une manière de définir le ‘vrai’ Boswell; mais maintenant qu’il a abandonné l’application stricte de ses principes, une lettre écrite par Mentor n’est plus qu’un exercice d’écolier - le ‘vrai’ Boswell du jour se trouve ailleurs: dans son journal et dans ses lettres à Temple.
Il convient de souligner également le caractère littéraire des lettres de Belle. Dès qu’elle a la plume à la main, il lui est impossible de résister à la tentation de se présenter très mobile quant à ses sentiments, et très libre en ce qui concerne ses idées. Sur le plan de leur correspondance, Boswell est un sage philosophe et Belle une femme qui risque de devenir libertine. Mais sur le plan de la vie réelle, on le sait, c’est tout le contraire: c’est Boswell qui est libertin, tandis que Belle mène une vie irréprochable. Ce qui nous étonne, c’est que Belle prenne Boswell mentor au sérieux, et que Boswell ne semble pas comprendre qu’il ne sera jamais question que Belle devienne une femme légère. Evidemment, nos deux auteurs se prennent très au sérieux au niveau de leurs écrits: chacun accepte la persona littéraire de l’autre et confond la littérature avec la réalité vécue. On pourrait pousser très loin cette analyse. Quand on parle de la pénétration psychologique de Belle, on parle, me semble-t-il, uniquement de la manière dont elle comprend sa propre personnalité. Elle se comprend très bien, mais, malgré son intelligence, elle a tendance à très mal comprendre les autres, et à les voir à travers son imagination. C’est ainsi qu’elle a compris Bellegarde, et, au moins pour un temps, M. de Charrière. Boswell mentor est un peu Boswell conforme à l’imagination de Belle, et elle l’a quelque peu poussé à jouer ce rôle. Malgré la naïveté transparente du jeune Ecossais, elle ne semble pas avoir compris que le Boswell qu’elle voyait très souvent à Utrecht, était un être malheureux tourmenté par la mélancolie, le doute et la mobilité de son caractère. Quant à Boswell, à mon avis il n’a jamais compris Belle de Zuylen, et le peu qu’il a compris vient non de son propre jugement, mais de celui de Reynst. Dans sa lettre à Temple que j’ai citée, Boswell ne fait que résumer le Portrait de Zéilde - en effet, c’est presque toujours à ‘Zélide’ que pense Boswell, au portrait littéraire qui cache la réalité vécue et très rarement à la véritable Belle de Zuylen. Leur correspondance, en fait est plus ou moins un échange entre deux portraits littéraires, entre Mentor et Zélide, où la réalité vécue a très peu de place.

V

Je passe très rapidement sur le dernier chapitre de cette amitié: leur correspondance de 1768. Malheureusement plusieurs lettres sont perdues; il n’en reste que deux: une de Belle et une de Boswell. Dans celle de Belle qui date du 16 février 1768, elle écrit avec une ironie mordante: Boswell, semble- t-il, a envisagé à nouveau de l’épouser, et, avec sa naïveté habituelle, lui a parlé de ses projets de mariage en Ecosse. Belle écrit: ‘Permettez-moi de remarquer que vous prenez bien votre temps pour toutes choses. Vous avez attendu pour m’aimer que vous fussiez dans l’Ile de Corse, et pour me le dire vous avez attendu que vous en aimassiez une autre et que vous lui eussiez parlé de mariage: voilà encore une fois, voilà bien prendre son temps. J’ai lu avec plaisir et en souriant vos tardives douceurs. Ah! vous m’aimiez donc!’38 Elle parle aussi des écrits de Boswell: il est sur le point de publier son Account of Corsica, qui lui vaudra bientôt une très grande célébrité. Belle dit qu’elle serait charmée de le traduire en français. Boswell répond le 26 février. Il avoue, avec sa belle naïveté: ‘My faults have not escaped your penetration’. Il tente d’expliquer son étrange conduite, qu’il attribue à sa mélancolie. Il dit aussi que son projet d’épouser ‘a good homebred heiress’ vient d’échouer, et que maintenant il est libre: ‘I am therefore a free man, and you cannot again tell me: "Vous prenez bien votre temps". To be plain with you, my dear friend, I want your advice.’39 ‘I want your advice’ - c’est donc au tour de Belle de jouer le rôle de Mentor!
On ne connaît la fin de leur correspondance que grâce aux quelques allusions que Belle et Boswell y font dans des lettres à des tiers. Le 26 avril Boswell écrit à Temple: ‘I received a letter from her, full of good sense and tenderness. "My dear friend", says she, "it is prejudice that has kept you so much at a distance from me. If we meet, I am sure that prejudice will be removed". The letter is in English. I have sent it to my father, and have earnestly begged his permission to go and see her.’
Mais Boswell est incorrigible: il redevient Mentor: ‘I have written to her and told her all my perplexity. I have put in the plainest light what conduct I absolutely require of her, and what my father will require.’40 En même temps, il lui interdit d’apporter aucun changement au texte de son livre qu’elle est en train de traduire.
Belle de Zuylen, on le sait, ne veut épouser qu’un homme qui la prenne telle qu’elle est. Sa réponse est malheureusement perdue, mais Boswell l’avait envoyée à Temple avec le commentaire suivant: ‘I told her my fears from her levity and infidel notions, at the same time admiring her and hoping that she was altered for the better. How did she answer? Read her letter. Could any actress at any of the theatres attack one with a keener - what is the word? not fury, something softer. The lightning that flashes with so much brilliance may scorch. And does not her esprit do so? Is she not a termagant, or at least will she not be one by the time she is forty? I have written to her that we are agreed. "My pride", say I, "and your vanity would never agree."’ Il finit par une très belle allusion littéraire: ‘It would be like the scene in our burlesque comedy, The Rehearsal. "I am the bold thunder", cries one. "The quick lightning I", cries another. Et voilà notre ménage.41
Mais donnons le dernier mot à Belle. Le 2 juin, elle écrit à d’Hermenches, à propos du livre de Boswell sur la Corse dont elle avait entrepris la traduction: ‘J’étais très avancée, mais je voulais qu’on me permît de changer des choses qui étaient mal, d’en abréger d’autres que l’impatience française aurait trouvées d’une longueur assommante. L’auteur, quoiqu’il fût dans ce moment presque décidé à m’épouser, si je le voulais, n’a pas voulu sacrifier à mon goût une syllabe de son livre. Je lui ai écrit que j’étais très décidée à ne jamais l’épouser, et j’ai abandonné la traduction.’42 Son geste est éloquent, et bien dans le caractère de ses rapports avec Boswell: d’un seul coup elle rejette auteur et épouseur.
Cette rupture ne surprend pas. Esprit pratique, Boswell désire avant tout le bonheur: il finira par épouser une Ecossaise dont la douceur de caractère lui assurera le calme et la stabilité dont il a tant besoin. Quant à Belle de Zuylen, ce n’est pas à la recherche du bonheur qu’elle consacre sa vie, mais à quelque chose qui rend le bonheur difficile sinon impossible - la recherche de la vérité. Fidèle à ses principes, elle finira par épouser un homme qui la prend comme elle est.
Une jeune Hollandaise à la recherche de la vérité; un jeune Ecossais à la recherche du bonheur: c’est dans ce cadre, où se confrontent deux grands thèmes de la littérature du XVIIIe siècle, que se déroule l’amitié de James Boswell et Belle de Zuylen.

* Een Nederlandse vertaling van deze tekst is verschenen in Tirade, nr. 223, maart 1977.

Notes
1 Voir: La Baronne Constant de Rebecque et Dorette Berthoud, Les Mariages manqués de Belle de Tuyll, Lausanne, Payot, 1940; F. Brady et F.A. Pottle (éds.), Boswell in Search of a Wife, 1766-1769, London, Heinemann, 1957.
2 Voir, sur le séjour de Boswell en Hollande, F.A. Pottle (éd.) Boswell in Holland, London, Heinemann, 1952.
3 Philippe Godet (éd.), Lettres de Belle de Zuylen à Constant d’Hermenches, Paris, Plon-Nourrit; Genève, Jullien, 1909, p. 77.
4 Boswell in Holland, p. 130
5 Boswell in Holland, p. 118-119.
6 F.A. Pottle (ed.), Boswell’s London Journal, Heinemann, 1950.
7 Boswell in Holland, p. 54.
8 Boswell in Holland, p. 62.
9 Boswell in Holland, p. 72.
10 Lettres à Constant d’Hermenches, p. 50.
11 Boswell in Holland, p. 136.
12 Boswell in Holland, p. 139.
13 Boswell in Holland, p. 222.
14 Boswell in Holland, p. 224-225.
15 Lettres à Constant d’Hermenches, p. 64.
16 F.A. Pottle (ed.), Boswell on the Grand Tour: Germany and Switzerland, 1764, London, Heinemann, 1953, p. 228.
17 Boswell in Holland, p. 253.
18 Lettres à Constant d’Hermenches, p. 61.
19 Lettres à Constant d’Hermenches, p. 153- 154.
20 Boswell in Holland, p. 278.
21 Boswell in Holland, p. 222.
22 Boswell in Holland, p. 231.
23 Boswell in Holland, p. 270.
24 Boswell in Holland, p. 270 note 2.
25 Boswell in Holland, p. 282.
26 Boswell in Holland, p. 289-293.28.
27 Boswell in Holland, p. 282.
28 Boswell in Holland, p. 294-298.
29 Boswell in Holiand, p. 299-308.
30 Boswell on the Grand Tour: Germany and Switzerland, p. 70.
31 Boswell in Holland, p. 320.
32 Boswell in Holland, p. 321.
33 Boswell in Holland, p. 324.
34 Boswell in Holland, p. 329.
35 Boswell in Holland, p. 333-342.
36 Boswell in Holland, p. 343-344.
37 Boswell on the Grand Tour: Germany and Switzerland, p. 35-36.
38 Boswell in Holland, p. 357-358.
39 Boswell in Holland, p. 359-361.
40 Boswell in Holland, p. 362.
41 Boswell in Holland, p. 363-364.
42 Lettres à Constant d’Hermenches, p. 329.

Lettre de Zuylen, no. 2 (septembre 1977), pp. 2-8.





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