LA LANGUE QUE J’AI OUBLIEE. BELLE DE ZUYLEN ET LE NEERLANDAIS |
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Dans une lettre de 1790 adressée à Jean Pierre de Chambrier d’Oleyres,
Belle de Zuylen écrit qu’elle avait oublié sa langue maternelle pendant son
séjour à Genève et qu’après, elle n’a jamais bien su s’exprimer en
néerlandais (Œuvres complètes, III, 186).
Le français était à l’évidence devenue sa langue naturelle. Elle avait
reçu, dès son plus jeune âge, une éducation dans la tradition française: à
dix ans elle fréquentait à Genève l’école de Pierre Colondre; par la
suite, elle eut des gouvernantes suisses. Au XVIIIe siècle, l’éducation à
la française était tout à fait courante dans les classes supérieures en
Hollande. Belle de Zuylen elle-même disait que l’influence profonde du
français était due à la présence d’émigrés huguenots. Une fois arrivés
dans les pays protestants ces émigrés s’étaient mis à gagner leur vie en
enseignant le français aux enfants hollandais.1
A l’heure actuelle les néerlandophones qui lisent l’Œuvre de Belle de
Zuylen s’étonnent que cet auteur n’ait écrit qu’en français. Simone
Dubois a essayé de donner une explication de ce phénomène et elle avance deux
raisons importantes: d’une part un idéal cher à Belle, ‘être du pays de
tout le monde’, et c’est pourquoi elle voulait écrire et publier dans la
langue qu’elle tenait à juste titre pour la langue universelle dans l’Europe
de son temps. D’autre part il n’y a aucun doute que pour exprimer ses
sentiments et ses opinions, le français convenait mieux à Madame de Charrière
que le néerlandais.2
Le choix d’une langue internationale pour atteindre ‘tout le monde’ n’était
pas considéré en Hollande comme un choix insolite. Au contraire ce dernier s’inscrit
dans une longue tradition respectable. On peut penser à Erasme qui lui aussi a
exprimé ses sentiments et ses opinions uniquement dans la langue internationale
de son temps, le latin. Le style d’Erasme, tout comme celui de Belle de
Zuylen, a quelque chose de très personnel et de très élégant. Nous ne
possédons aucun texte d’Erasme en néerlandais. Grâce à lui et à quelques
autres le latin n’avait pas de rivaux dans le monde érudit du XVIe et du
XVIIe siècles. Des poètes néo-latins tels que Janus Secundus et Caspar
Barlaeus jouissaient également d’une renommée internationale à leur
époque.
Au XVIIIe siècle, le français ayant succédé au latin, il existait alors
en Hollande, comme l’a remarqué à juste titre Cecil Courtney, une tradition
franco-hollandaise bien établie. Celle-ci entra donc en compétition avec la
tradition [p. 111] nationale hollandaise du XVIIe siècle. Plusieurs auteurs
néerlandais commencèrent à publier en français et ils fondirent des revues
francophones comme la Gazette de Leyde ou la Gazette de La Haye
qui avaient des lecteurs dans l’Europe entière. Il était tout à fait normal
qu’un auteur néerlandais publie en français et le cas de Belle de Zuylen n’est
donc pas un phénomène isolé (Courtney 1993: 35).
Mais à l’encontre d’ Erasme cependant, Belle de Zuylen utilise le
néerlandais dans sa correspondance privée. Bien qu’on n’ait jamais
retrouvé de lettres entièrement écrites en néerlandais,3 on
relève en revanche des mots isolés, de petits fragments de prose se limitant
toutefois à des alinéas. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a jamais
publié de texte dans sa langue maternelle. Etait-ce parce que son néerlandais
était si pauvre, comme elle l’écrivait à Chambrier d’Oleyres, ou n’avait-elle
tout simplement pas envie de publier en néerlandais? La question qui se pose
est de savoir pourquoi exactement Belle de Zuylen n’a pas écrit en
néerlandais lorsqu’elle s’adressait au public. Sans aucun doute, aurait-il
été possible de corriger et donc de publier les textes en néerlandais de
Belle de Zuylen si celle-ci l’ avait voulu.
Michel Gilot a fait quelques remarques sur la langue de Belle de Zuylen,
notamment en ce qui concerne son caractère polyglotte.4 En fait
Belle avait coutume d’insérer dans son français non seulement du
néerlandais mais également de l’anglais et de l’allemand. Mais l’emploi
du néerlandais est toutefois si particulier que Gilot lui a consacré un
paragraphe spécial intitulé ‘Belle de Zuylen et le néerlandais’. Cela
revient à souligner l’intérêt du sujet. Il écrit: ‘Ce ne serait
sûrement pas un sujet d’études secondaires. Jusqu’au bout elle est restée
profondément attachée à sa langue (Gilot 1985: 17). On a l’impression que
personne ne s’est occupé sérieusement de l’attachement de Belle à sa
langue maternelle. Gilot fait également remarquer que la voix propre à Belle
résonne aussi mélodieusement dans son néerlandais que dans son français.
Selon lui le phénomène mériterait une étude particulière: ‘Ce qui serait
passionnant, ce serait d’essayer de comprendre comment a pu naître sa voix à
elle, à partir d’une certaine pratique du français, mais aussi du
néerlandais, d’un certain abandon au génie du français, mais aussi [...] de
la langue de son pays’ (Gilot 1985: 17).
A l’heure actuelle en Hollande on regrette que Belle de Zuylen n’ait pas
écrit de récits ou de romans en néerlandais. Par ailleurs certains
contemporains ne virent aucun inconvénient à ce qu’elle ne publiât pas en
néerlandais.
Rijklof Michaël van Goens par exemple, hollandais des plus érudits,
possédant une grande culture littéraire, avait pris connaissance de l’Œuvre
francophone de Belle. Il l’apprécia et parla du Noble dans des lettres
adressées entre autres à Frans van Lelyveld. Van Goens (1748-1810) originaire
[p. 112] d’Utrecht, comme les van Tuyll et ami du frère aîné de Belle,
Willem, était l’arrière-petit-fils du célèbre van Goens qui avait été
Gouverneur-général des Indes orientales au XVIIe siècle. Cet admirateur de
Belle était doué d’un esprit brillant, toujours en éveil; il était
profondément versé dans la littérature et la philosophie européennes. A l’âge
de dix-huit ans déjà il était devenu professeur d’histoire, de rhétorique
et de grec. Lui-même n’aimait pas tellement la littérature néerlandophone,5
mais il était entré en correspondance avec Frans van Lelyveld (1740-1785) qui,
lui, adorait cette littérature et qui, en 1766, avait joué un rôle primordial
dans la fondation de la célèbre Maatschappij der Nederlandse Letterkunde
(Société de la littérature néerlandaise). Cette société existe toujours et
elle est la plus ancienne et la plus respectable société littéraire des
Pays-Bas. Après avoir lu Le Noble, van Lelyveld écrivit à van Goens en
1765 qu’il regrettait que Belle de Zuylen n’écrive pas en néerlandais: ‘Ach
was die Juffer zoo goed om in ‘t Duitsch te schrijven! welk een eer voor
Holland! welk een voordeel, indien de Burgerman door haer aen ‘t lezen raekte’.
[‘Ah, que la Demoiselle van Tuyll van Serooskerken ait la bonté d’écrire
en néerlandais! Quel honneur pour la Hollande! Que cela serait profitable, si
grâce à elle le Bourgeois se mettait à lire’.] (Wille I: 142; Brieven
aan R.M. van Goens, I: 172).Tout en soulignant son admiration pour l’Œuvre
de Belle, il constatait en même temps que la bourgeoisie lisait peu, ce qui est
surprenant. Cela ne correspondait pas à la réalité. En effet on pouvait
disposer en langue néerlandaise d’une énorme production d’Œuvres de
fiction originales et traduites (du français pour la plupart, mais aussi de l’allemand
et de l’anglais). Il est peu probable que seule la noblesse, les militaires et
les étudiants aient lu ces livres de fiction. On peut présumer plutôt avec
van Lelyveld, que la bourgeoisie aurait beaucoup progressé si elle avait lu des
ouvrages d’un niveau littéraire et d’une thématique analogue à ceux du Noble.
Des livres de Belle de Zuylen en néerlandais auraient certainement convenu à
la politique littéraire de van Lelyveld et de ses amis qui souhaitaient élever
le niveau littéraire de leur propre pays. Un an plus tard van Lelyveld exprima
même l’intention de traduire Le Noble en néerlandais.6 On
ne sait pas s’il est jamais entré en contact avec l’auteur admiré, avec ou
sans l’assistance de van Goens. Peut-être était-il persuadé que toute
tentative en ce sens s’avérerait inutile car Belle aurait probablement
refusé de s’exprimer dans le néerlandais emphatique et pompeux de son temps.
Ce néerlandais était cher à van Lelyveld et il appréciait beaucoup l’auteur
Abraham Hoogvliet qui le pratiquait conscienceusement. Quoi qu’il en soit,
nous possé- [p. 113] dons suffisamment de documents, principalement des
lettres, de la main de Belle pour être en mesure de reconnaître qu’elle sut
très bien s’exprimer dans un néerlandais vivant et naturel.
Nous pouvons subdiviser sa pratique du néerlandais selon les catégories
suivantes: des mots isolés dans un contexte français, des verbes ayant une
racine néerlandaise et une terminaison française, des tournures et des dictons
et pour terminer des alinéas néerlandais parsemés d’expressions ou de mots
français.7 Regardons le néerlandais de Belle d’un peu plus près.
Chaque fois qu’elle emploie un mot néerlandais dans un contexte français
on y reconnaît une nuance subtile dont elle croit ou espère qu’elle sera
perçue par son correspondant, en général un membre de sa famille auquel elle
est intimement liée. Mariée depuis trois mois, on peut facilement distinguer
une note critique concernant son époux dans une lettre à son frère Diederik
(Ditie): ‘je trouve souvent M. de Charrière trop ordentlijk
[régulier] trop overleggende [prudent]’ (II, 239). Ces qualifications
rendent l’information plus nuancée précisément parce qu’elles sont
énoncées en néerlandais. L’information confidentielle devient ainsi plus
légère ce qui n’aurait pas été le cas si Belle s’était exprimée en
français. Elle manifeste sa conscience du ‘génie du néerlandais’ lorsqu’elle
emploie le mot keuvelen, difficile à rendre en français, dont elle
donne elle-même un commentaire judicieux et qu’on cherchera en vain dans un
dictionnaire: ‘tourner & retourner une pensée triviale, une nouvelle
indifférente’. Elle a 55 ans, lorsqu’elle emploie ce mot dans une lettre à
son neveu Willem-René et elle habite en Suisse depuis un quart de siècle. Elle
met son neveu en garde contre l’indolence, la mollesse et la lenteur typiques
des ‘honnêtes gens’ en Hollande en ces termes: ‘Les marchans y tracassent
& les bons y sommeillent.’ Alors elle se rappelle tout à coup ce
merveilleux mot néerlandais: ‘Que d’heures passées à keuvelen.’
A nouveau, le mot néerlandais est destiné à un lecteur spécifique qui - pour
autant qu’on puisse le déduire de sa correspondance - était plutôt enclin
à la léthargie et à la passivité. Elle poursuit alors: ‘Ne keuvelez
pas, ne sommeillez pas, ne lanternez pas [...]’ (V, 237). Dans ‘ne keuvelez
pas’ elle emploie la racine néerlandaise en y ajoutant une terminaison
française. De cette façon elle incorpore le mot néerlandais dans la langue
française ce qui donne l’impression d’un emprunt ordinaire. Elle procède
plusieurs fois de cette façon comme nous pouvons le constater à partir des
exemples donnés par Michel Gilot.8
Sa sensibilité à la langue se révèle également dans l’emploi d’expressions
idiomatiques. Ainsi elle écrit à son frère Vincent: ‘Ik val er in als een
Eent in een byt en dan zegt me [...] myn alles, van haver tot gort’ [Je tombe
dedans comme un canard dans un trou fait dans la glace et voilà qu’elle/il
(le nom a été biffé) me raconte tout, de l’avoine jusqu’au gruau’ (Cela
signifie: Je tombe dedans comme un canard dans un entourage qui me déplaît
fortement et voilà qu’il/elle me raconte tout par le menu)] (III, [p. 114]
332. Chaque fois qu’elle écrit un alinéa en néerlandais, elle y introduit
des expressions ou des mots français si parfaitement choisis quant à la
grammaire et au contenu que le tout constitue un ensemble harmonieux. C’est
une des raisons pour lesquelles son néerlandais a des accents si personnels et
si naturels. Voici un autre exemple tiré de la lettre précitée à son neveu
Willem-René: ‘Allons courage je vous en prie. Blijft niet te veel hangen aan
uwe kinder jaaren die voorbij gaan, aan een tijd punkt die voorbij is. De
Generaal ... is de wellevendheid zelfs; er is iest [sic] edels in alle zijn
denkung en leevens aart, maar die sagte en stille en adelijke zeeden zijn nu
bijna zo ontijdig que la chevalerie errante des preux du tems de Charlemagne.
Men moet sig nu harder en verdiger aanstellen en sig sterker wapenen om te
gemoet te gaan een moeyerliker en dadelijker beroep, des besoins, des travaux,
peut-être la pauvreté.’ [ ... Ne restez pas si préoccupé de votre enfance,
une période passée. Le général (son oncle) est la courtoisie en personne; il
y a quelque chose de noble dans sa manière de penser et de vivre, mais de
telles qualités douces et nobles ne conviennent pas plus à notre époque que
... etc.] [Maintenant il faut être plus énergique et muni de meilleures armes
pour affronter un avenir plus difficile et plus dur, des besoins ... etc.] (V,
236).
Malgré quelques négligences, peut-être dues à la hâte avec laquelle elle
écrivit cette lettre, on constate en la lisant de même que d’autres encore
adressées à son neveu préféré que Belle n’a pas oublié le néerlandais,
même vers la fin d’une vie passée en Suisse. Il n’y a chez elle aucun
mépris pour sa langue maternelle. Cette attitude était tout à fait l’opposé
de l’arrogance manifestée par certains savants étrangers en Hollande qui
avaient l’outrecuidance de déclarer publiquement que ‘le néerlandais est
une langue pour (les) chevaux’ comme le nota un James Boswell indigné dans
une de ses compositions néerlandaises.9 Le jeune Ecossais était d’ailleurs
considérablement irrité d’entendre si souvent parler français ou un
néerlandais émaillé de termes français en Hollande (Boswell 1995: xi, 7), et
surtout à La Haye. Pour lui qui s’efforçait d’apprendre le français et le
néerlandais en même temps il était nécessaire de bien distinguer les deux
langues. Le néerlandais de Belle était probablement assez proche de son emploi
dans le milieu familial. A cette époque, on mêlait beaucoup plus que
maintenant des expressions et des mots français au néerlandais. Tout lecteur
ayant lu les écrits satiriques de Jacob Campo Weyerman (première moitié du
XVIIIe siècle) le sait. La même chose se produira plus tard dans le siècle
lorsqu’un auteur voudra imiter d’une manière réaliste et naturelle le
néerlandais parlé par la bourgeoisie et les couches sociales supérieures. Il
aura alors recours à un néerlandais émaillé d’expressions et de mots
français.
A l’époque où Belle van Zuylen publiait ses Lettres neuchâteloises
il y avait en Hollande deux femmes qui écrivaient un roman par lettres ayant
pour titre De Historie van Mejuffrouw Sara Burgerhart (L’Histoire de
Mademoiselle [p. 115] Sara Burgerhart). Ce roman a obtenu par la
suite un succès durable.10 C’est en effet un des rares livres
néerlandais du XVIIIe siècle qui connaisse encore un grand nombre de lecteurs.11
Les auteurs en étaient Elisabeth Wolff-Bekker et Agatha Deken. La première a
toujours été considérée comme peu respectueuse des conventions mais c’est
aussi le cas d’Agatha Deken; on sait qu’elle détestait profondément une
correspondance conventionnelle dans laquelle il fallait s’informer de la
santé de son correspondant.12 Dans leur roman par lettres chaque
correspondant dispose d’une voix qui lui est propre. Chaque mot, chaque
tournure respire ‘le génie du néerlandais’. C’est pourquoi le réalisme
et le caractère naturel de la langue ont toujours bénéficié de critiques
favorables et cela depuis la parution du livre en 1782. La protagoniste du roman
est une jeune fille, Sara Burgerhart, devenue orpheline dès sa dix-septième
année et éduquée chez une tante. Cette femme, avaricieuse et bigote, la
traite mal (Meijer 1978: 176). Les lettres de Sara à ses amies présentent une
certaine ressemblance, quant à la vivacité et au naturel du style, avec la
correspondance de Belle de Zuylen. En voici un exemple: ‘Douce et tendre amie!
Je suis enragée op het oud wijf, op mijn tante; ik wil geen week langer
blijven; ‘t is of ik in de hel woon.’[‘... enragée contre la vieille, -
contre ma tante; je ne resterai pas une semaine de plus ici; il me semble que j’habite
en enfer.’] Sara emploie des mots comme ‘à l’ordinaire’ et ‘robe de
chambre’ dans un contexte néerlandais et elle termine sa lettre par un ‘Tout
à toi’ sincère. Belle de Zuylen a lu le livre en 1784, deux ans seulement
après sa première édition, et elle a su en apprécier la ‘réalité
précieuse’ (Sainte-Beuve 1839: 652; O.C., VIII, 737) Elle écrit
alors: ‘Je venais de voir dans Sara Burgerhart, qu’en peignant des
lieux et des mŒurs que l’on connoit bien, on donne à des personnages fictifs
une ‘réalité précieuse’. Belle de Zuylen elle-même aurait pu
entreprendre un tel récit ou roman par lettres dans un néerlandais émaillé
comme il se doit de français. Il est probable que le puriste van Lelyveld n’aurait
guère apprécié l’entreprise à cause de la langue, mais d’autres comme
Wolff et Deken l’auraient certainement approuvée.
Avant son mariage avec M. de Charrière Belle s’est probablement appliquée avec tant d’acharnement à devenir quelqu’un du pays de ‘tout le monde’ qu’elle n’était guère disposée à s’adresser à un large public dans sa langue maternelle. Il semble que, séparée de sa famille et habitant en Suisse, elle ait changé un peu d’opinion. Elle commença vraisemblablement à apprécier de plus en plus sa langue maternelle. Son besoin irrésistible d’être estimée au niveau international s’est affaibli à partir du moment où elle a atteint ses objectifs. Coupée de ses racines néerlandaises, elle ne pouvait plus publier en [p. 116] néerlandais. Au Pontet elle ne s’occupait sûrement pas des intérêts littéraires du ‘Bourgeois’ hollandais si chers à van Leyveld. C’est seulement dans les lettres à sa famille qu’elle a su trouver les expressions et les mots appropriés. Elle avait l’air de s’en amuser beaucoup. C’est pourquoi elle n’a pas écrit pour les Néerlandais dans une langue que - contrairement à ce qu’elle prétend dans sa lettre à Jean Pierre de Chambrier d’Oleyres - elle se rappelait encore très bien.
Notes
1. Œuvres complètes, X, 79; C.P. Courtney, Isabelle de Charrière
(Belle de Zuylen). A biography. Oxford, Voltraire Foundation, 1993, p. 32.
2. S. Dubois, ‘Waarom schreef Belle de Zuylen in het Frans’, Lettre de
Zuylen et du Pontet. (Bulletin de l’Association Belle de Zuylen - Isabelle
de Charrière) 1 (1976), p. 1-8, 11.
3. Sa correspondance de jeunesse avec des membres plus âgés de sa famille a
dû se perdre: ‘Aux grandes tantes, aux grands parents respectables (quand il
vient d’eux quelque lettre), on l’avertit qu’il faut répondre en
hollandais. "Je me suis hâtée, dit-elle, de le faire du mieux que j’ai
pu. Les H, W, Gh n’y sont pas épargnées, non plus les T, K’"
(Sainte-Beuve, ‘Poètes et romanciers modernes de la France. Madame de
Charrière’. In: Revue des Deux Mondes 5 (1839), p. 648.
4. M. Gilot, ‘Quelques remarques sur la langue d’Isabelle de Charrière’.
In: ‘Lettre de Zuylen et du Pontet 10 (1985), p. 17-18.
5. Brieven aan R.M. van Goens en onuitgegeven stukken hem betreffende.
ed. W.H. de Beaufort. 3 tomes. Utrecht-’s Gravenhage 1884-1890, tome I: 183;
J. Wille, De literator R.M. van Goens en zijn kring. 2 tomes.
Zutphen-Amsterdam 1937-1993, tome II: 249.
6. ‘[...] - maer de tael, en dat is het ergste, de tael is er niet toe
geschikt - toen ik dat las, wilde ik een vertaling ondernemen van Le Noble,
en laten zien aan Jufvr. v. Zuilen, of onze tael er niet toe geschikt is of kan
worden. Nimmer heb ik in ernst de Fransche tael boven de Hollandsche horen
stellen’ (‘[...] - mais ce qui est plus grave encore, la langue ne s’y
prête pas en lisant cela j’ai voulu entreprendre une traduction de Le
Noble, et faire voir ainsi à Mademoiselle van Zuylen que notre langue s’y
prête très bien ou du moins pourrait s’y prêter. Je n’ai jamais entendu
dire sérieusement par personne que la langue française était supérieure à
la langue néerlandaise’) (Brieven aan R.M. van Goens I: 191-192).
7. Outre les exemples qui vont être donnés on peut en trouver d’autres
encore dans les articles précités: Dubois 1976: 5-6 et Gilot 1985: 17.
8. schuddeboler, je vous opwinderai, je suis une assez bonne opwindeuse etc.
(Gilot 1985: 17.)
9. J. Boswell: ‘Een Beytie Hollansche’. Dutch Compositions.
ed. C.C. Barfoot and K.J. Bostoen. Second revised edition. Leiden, 1995, p. 9;
K. Bostoen, ‘"People say that Dutch is a language for horses". James
Boswell and the Dutch Language.’ In: The Low Countries, Arts and Society in
Flanders and the Netherlands, A Yearbook 1996-97, p. 280-281.
10. Reinder P. Meijer, Literature of the Low Countries: a short history of
Dutch literature in the Netherlands and Belgium. New ed. with corr.
and add. material. The Hague [etc.] 1978, p. 175.
11. E. Bekker-Wed. Ds. Wolff et A. Deken, Historie van Mejuffrouw Sara
Burgerhart. ed. P.J. Buijnsters. 2 vols. Den Haag 1980. Voir tome I: vii.
12. B. Wolff and A. Deken, Briefwisseling. ed. P.J. Buijnsters. 2
tomes. Utrecht 1987. Tome I: 58.
Conférence prononcée au dixième congrès international des Lumières,
Dublin 25-31 juillet 1999.
Rapports - Het Franse Boek (RHFB). Numéro spécial sous la rédaction d’Yvette
Went-Daoust, 70 (2000), p. 110-116