silhouet







En revenant au château, je trouvai Théobald qui allait et venoit comme un homme préoccupé. Je l’abordai, et nous nous promenâmes quelque tems sans qu’il sortit de sa rêverie.
Le tems se couvroit. Il avoit fait fort chaud. Bientôt le tonnerre gronda, et mille éclairs percerent les nues. Ne pourrions-nous aller voir si elle a peur, me dit Théobald? je crains de lui avoir fait de la peine; et sans attendre ma réponse, s’appuyant sur mon bras, il me fit prendre avec lui le chemin de la demeure d’Emilie.
Nous approchions quand un bruit de voiture et des cris confus nous firent courir au grand chemin, dont nous nous étions éloignés. Que n’avions-nous pu arriver un moment plutôt! Des chevaux effrayés par l’orage avoient jeté leur conducteur à terre, et portant la berline qu’ils trainoient contre une borne, ils la versèrent rudement à nos yeux. Engagés dans les traits et dans les rênes, ils se débattoient avec force, et le désastre alloit devenir horrible si nous n’eussions réussi à les arrêter et à relever le postillon blessé et sanglant qu’ils fouloient sous leurs pieds. Des paysans étant accourus, l’emportèrent, pendant que Théobald et moi, aidés par un domestique aussi adroit que vigoureux, nous retirions23) du carosse une femme évanouie. Où la porter? Le château étoit bien éloigné. Je demandai au domestique, qu’à son accent je jugeai être de Paris, si sa Maitresse étoit Françoise? Je ne le sais pas, me répondit-il. - Mais parle-t-elle françois ? - Oh oui, Monsieur. Eh bien, dis-je à Théobald, supposons-la Françoise, et confions-la aux soins de ses deux jeunes compatriotes. Théobald y consentit, et nous voilà au logis d’Emilie.
Aux coups redoublés dont nous frappâmes la porte, Josephine sortit d’une cave où elle s’étoit enfermée. Sa grande frayeur fit bientôt place à une plus grande compassion. Ah! mon bon Jèsus! s’écria-t-elle, pauvre jeune Dame! Est-elle morte? Nous l’assurâmes que non, et que ses artères battoient. Eh bien! portons-la sur mon lit, dit Josephine, et donnons-lui toutes sortes de secours.
Ces secours donnés avec tant de zèle, ne tarderent pas à produire un bon effet. La Dame ouvrit les yeux, et montrant sa surprise, elle s’efforça d’exprimer sa reconnoissance. Elle parloit françois avec un accent légèrement étranger, qui ne me donna aucune lumière sur le pays où elle étoit née, mais tout en elle dénotoit la meilleure éducation.
Cependant Emilie ne paroissoit pas. Où est donc votre Maitresse, dis-je à Josephine? Je l’ai laissée, bien malgré moi au jardin, me répondit-elle. Quand on est rêveuse à ce point, on n’entend pas Dieu tonner. En effet, nous trouvâmes Emilie à demi-couchée sur le banc de la harpe, et quand nous lui demandâmes si elle n’avoit point eu de frayeur? Frayeur! de quoi? nous dit-elle. Alors nous lui racontâmes l’orage et l’accident qu’il avoit causé.
La Dame est-elle Françoise? me dit Emilie en s’acheminant avec nous vers le logis. Nous ne le savons pas, lui dis-je. Si elle n’est pas Françoise je l’en féliciterai, dit Emilie.
Dès qu’elle fut auprès de l’étrangère, elle lui donna avec une grace touchante les assurances du plus vif intérêt, et ces assurances furent reçues de la même manière qu’elles étoient données. Une contusion à la tête, une autre au bras, qui bien que plus considérable n’avoit rien d’allarmant, ce fut là tout le mal que l’étrangère se trouva avoir, après qu’une saignée eut entièrement dissipé l’effet de sa frayeur. Elle demanda des nouvelles du fidèle Lacroix, et Lacroix dans ce moment arrivoit avec une pesante cassette. Elle demanda ensuite ce qu’étoit devenu le postillon; on l’assura qu’il étoit soigné. A présent, dit-elle, la peur de causer ici bien de l’embarras, est mon unique peine. Emilie la rassura avec bonté, et moi, pensant qu’elle avoit grand besoin de repos, j’engageai Théobald à prendre congé des deux Dames. En sortant, il prit la main d’Emilie. Emilie retira et rendit sa main. Il la baisa. Des larmes coulerent des yeux d’Emilie. Pourquoi, lui dit Théobald, m’avoir mis dans la cruelle alternative de vous offenser, ou de dèsavouer mes principes et ma patrie? Ce n’est pas l’accident seul de la Dame étrangère qui m’a amené auprès de vous: j’y venois, l’Abbé vous le dira, j’y venois déplorer le malheur que j’avois eu de vous déplaire. Emilie, regardez-moi comme un homme qui vous sacrifieroit tout, hors des devoirs sacrés.
On imagine ce qui se passa les jours suivans: nos visites, les empressemens de chacun, la reconnoissance de la Dame, et sa guérison, hâtée par tout ce que les soins les plus aimables ont de doux et de précieux.
Après cinq ou six jours, elle se trouva en état d’aller voir le pauvre postillon, dont24) elle paya généreusement l’hôte, la garde et le chirurgien. J’étois avec elle. En revenant, elle voulut entrer dans une petite maison attenante à celle qu’habitoit Emilie. D’un coup-d’Œil elle vit comment on la pourroit rendre commode et agréable. Les murailles sont solides, dit elle, le toit est neuf: voilà une cloison qu’il faudra ôter; là pourra se placer une cheminée.25) Elle demanda au propriétaire ce qu’il demanderoit de sa maison, et avant d’en sortir elle l’avoit achetée. Nous allâmes trouver aussi-tôt le charpentier et le maçon; on convint avec eux de l’ouvrage et du prix. Jamais je n’avois vu de femme plus entendue, ni plus expéditive.
Josephine, pendant notre absence, se trouvant seule avec Emilie pour la première fois depuis un assez long tems, lui parla avec beaucoup de détail et de liberté de Mme. de Vaucourt: (c’est ainsi que Lacroix appellait sa Maitresse.) Elle loua ses yeux, ses dents, son pied: trouva sa peau trop brune, ses cheveux trop rudes, son parler trop peu distinct: quant à sa taille, elle ne savoit qu’en dire. Mme. de Vaucourt est fort petite et fort maigre; mais il y a une agilité et une facilité dans tous ses mouvemens, qui ne permettent pas de lui souhaiter une26) autre espèce de grace, ni plus d’éclat, ni une plus haute stature. Josephine assura qu’elle étoit créole, ou que sa mère l’avoit été. Emilie jugea seulement qu’elle étoit fort aimable et pleine d’esprit comme de vivacité. Puis, parlant du desir qu’elle avoit de la garder quelque tems à Altendorf, elle dit qu’elle la croyoit en tout point de fort bonne compagnie et fort honnête, c’est-à-dire fort sage, parce qu’elle ne lui avoit pas entendu dire un seul mot qui sortit des bornes d’une décence scrupuleuse. Il se peut bien, dit Josephine, qu’elle soit une vertu; mais ce n’est pas cette réserve qui me le persuaderoit. Il est des sottises, Mademoiselle, dont moins on en fait, plus on y pense; cela vous trotte toujours dans l’esprit, et il y paroît plus ou moins au dehors; au lieu que si l’on n’est pas si sage... Allez-vous dire qu’on en sera plus décente? dit Emilie en riant. J’en serois tentée, dit Josephine. Avez-vous vu un air de Sainte pareil à celui de Madame votre Tante? et Dieu sait cependant que sans compter le cher27) Chevalier... C’est assez, interrompit Emilie; je te dispense de tes preuves; mais dis-moi si tu ne t’es point trop fatiguée tous28) ces tems-ci? Bien souvent tu as veillé la moitié de la nuit, et le jour ton ouvrage ne s’en faisoit pas avec moins d’exactitude. Je te voyois partout: j’ai admiré ton activité et ta vigilance; mais j’ai craint pour ta santé. - Bon! Mademoiselle; quand cela est nécessaire et que ce ne sont pas les fantaisies des maîtres qui harcelent leurs gens, ils ne sentent que du plaisir dans la fatigue. Tenez, ce que vous venez de me dire me feroit oublier mille veilles et toutes sortes de travaux; mais je n’ai point été aussi surchargée de peine que vous le croyez. Il est bien vrai que Henri m’a un peu moins aidée qu’il ne faisoit, mais M. Lacroix sait tout, fait de tout; il est cuisinier, tapissier, jardinier; que n’est il pas! Soyez heureuse, Mademoiselle, et Josephine sera trop contente, si toutefois... Josephine soupira. Nous revenions et nous les rejoignîmes.
Mme. de Vaucourt dit à Emilie, que n’ayant pu se résoudre ni à la quitter, ni à lui être long-tems à charge, elle venoit de s’arranger pour devenir sa voisine. Si vous m’aimez un peu,29) dit-elle, vous me permettrez, quand j’habiterai ma nouvelle demeure, de faire faire30) une porte de communication entre votre chambre et la mienne. En même-tems elle l’embrassa avec un mouvement10 si tendre, qu’Emilie en fut sensiblement touchée. Je n’ai encore remercié personne ici dit Mme. de Vaucourt en serrant à la fois ma main et celle de Josephine. Je ne sais point remercier, mais je sais sentir et aimer. Providence divine, c’est à toi que je rendrai grace! Qui l’auroit cru que la foudre, en me tuant presque, me feroit trouver un pareil asile, tant de bonté, de mérite et d’agremens réunis! Théobald arrivoit, et Mme. de Vaucourt31) ramenant sur lui les yeux qu’elle avoit élevés au ciel: Puisse, dit-elle, le spectacle de votre bonheur embellir la vie que vous et votre ami m’avez conservée! Emue, épuisée, elle pâlit et se laissant tomber sur le lit d’Emilie, elle nous pria de lui laisser quelques instans de repos et de solitude.
Le lendemin, sur une invitation de Mme. d’Altendorf, elle vint au château avec Emilie. Toutes deux y revinrent les jours suivans, et le vieux Baron lui-même trouvoit longues les journées où on ne les voyoit pas.
Lacroix envoyé successivement à Osnabruk, à Munster, à Hannovre, rapporta ce qu’il falloit pour meubler la maison que l’on réparoit à force. Tout y fut arrangé à l’allemande. Emilie le remarqua; et comme Mme. de Vaucourt avoit été témoin de quelques petits différends entr’elle et Théobald sur les habitudes nationales, elle lui demanda si elle vouloit se faire un mérite à ses dépens? Non, dit Mme de Vaucourt; mais je veux vous donner un bon exemple. Gardons-nous de vouloir établir ici la France, et de traiter des gens qui nous souffrent comme s’ils étoient étrangers chez eux, et que ce fut nous qui les tolérassions. Quoi! dit Emilie, quand je suis exilée du plus beau pays du monde, il ne me sera pas permis de m’entourer, pour ainsi dire, de ses mŒurs, des usages que le goût y avoit consacrés! Non, dit Mme. de Vaucourt, non, cela ne vous est pas permis; et en même tems elle défendoit à Lacroix de mettre dans les choses qu’il arrangeoit, quoique ce fût32) qui rappellât Paris et la France.
Au bout d’une quinzaine de jours sa demeure fut prête à la recevoir. Emilie trouva qu’on s’étoit trop pressé. Si vous êtes sincère, lui dit Mme. de Vaucourt, vous ne me séparerez pas de vous. Nous vivrons en commun. Je recevrai des services de Josephine, et Lacroix sera à vos ordres autant qu’aux miens. Mais il est juste qu’avant de vous décider, vous puissiez connoître un peu plus celle que vous avez si généreusement accueillie. Demain matin je viendrai vous dire de mon histoire ce que j’en puis dire; après cela vous jugerez s’il vous convient d’associer votre vie à la mienne. Une pareille circonspection tiendroit de la défiance, lui répondit Emilie, et j’en suis incapable à votre égard. D’ailleurs, si vous pouviez exciter chez moi un sentiment si fâcheux, devrois-je être rassurée par le compte que vous me rendriez vous-même de vous? Quittez, puisque vous l’avez voulu, cette demeure que vous m’avez rendue plus chère en la partageant avec moi; mais revoyons-nous demain et tous les jours et à toute heure. Vous êtes riche, à ce que je vois, et je suis pauvre; mais comme vous ne me paroissez ni fastueuse ni sensuelle, nous n’en pourrons pas moins vivre ensemble, et je consens à ne pas compter trop juste avec une amie. Vous me charmez, s’écria Mme. de Vaucourt. Que je suis heureuse! que vous me rendez heureuse! Et elle la quitta en pleurant d’attendrissement et de joie.
La nuit fut longue pour la curiosité d’Emilie; car tout en s’interdisant la moindre question, elle avoit senti l’envie d’en faire de beaucoup d’espèces, et souvent elle avoit craint de blesser, sans le vouloir, une personne du sort et de l’histoire de laquelle elle ne savoit point du tout le fort ni le foible.
A peine étoit-elle levée qu’elle vit venir à elle Mme. de Vaucourt. - Déjeûnons, dit-elle, après cela je parlerai. Le déjeûné fut porté au jardin, où bientôt elles resterent absolument seules.
Je cache mon nom, dit l’étrangère, sous celui de Vaucourt: appellez-moi désormais Constance, qui est véritablement mon nom de baptême. Je suis née en France, mais je n’y ai pas toujours vécu: mon séjour dans un pays fort chaud, n’a pas peu contribué à me rendre aussi noire que vous me voyez. Je ne vous dirai point de quel pays étoit mon père ni mon mari; car j’ai été mariée et je suis veuve; mais je vous avouerai qu’une très-grande fortune qu’ils avoient et qu’ils m’ont laissée, leur a été reprochée comme ayant été mal acquise. Ils 33) ont su la mettre à l’abri de toute atteinte: cependant les soupçons qu’il y a eu contr’eux et les persécutions qui en ont été la suite, m’exposeroient, si j’étois connue, à plus d’un genre de désagrément. Un seul ami, homme aussi estimable qu’il est estimé, témoin de mes peines, confident de mes craintes, m’a aidée à me soustraire aux persécuteurs de ma famille. Je possède, sous des noms différens, des terres en Amérique et aux Isles; de l’argent en Angleterre et en Hollande; des maisons à Paris, à Lisbonne, à St. Petersbourg; et j’ai une part à plusieurs branches du commerce que se fait aux grandes Indes. Depuis un an je parcours la Pologne et l’Allemagne, cherchant un endroit où je puisse34) vivre ignorée et néanmoins sans ennui. J’ai trouvé plus que je ne cherchois: je reste. Je suis heureuse.
Après un assez long silence, Emilie lui dit: Permettez-moi de vous demander quelles idées vous vous êtes formées35) touchant cette fortune qui a excité de si grands soupçons? Je ne sais, dit Constance. Je penche à croire qu’elle ne fut jamais devenue si considérable, si ceux qui l’ont acquise eussent été extrêmement scrupuleux; mais je suis persuadée que la jalousie les a peints bien plus coupables qu’ils n’étoient, et qu’on a blâmé en eux ce que mille autres ont fait sans en être blâmés, uniquement parce qu’ils ont eu autant de bonheur que d’adresse. Et n’avez-vous jamais eu la pensée d’approfondir cette affaire, dit Emilie, et de restituer ce qui avoit été illégitimement possédé? Comment le restituer? dit Constance. Si l’on a trop gagné avec les particuliers, les lésés sont éparpillés sur toute la surface du globe. Si l’on a volé le Public, pourquoi restituerois-je? Je suppose que ce fût la France, sous l’ancien ou le nouveau régime, qu’on eût volé, devois-je l’année dernière donner mon bien à Robespierre, ou cette année à ceux qui ont36) détruit et qui se disputent son pouvoir? Je suppose que ce fut l’Angleterre, payerai-je mon écot pour soutenir une guerre qui, dirigée contre le pays que j’aime, le pays où je suis née, désole, dévaste l’Europe entière? Donnerai-je au ministère de Madrid de quoi orner la châsse et payer le voyage de quelque relique? A l’Impératrice de Russie, de quoi enrichir un peu plus ses favoris? Au Pape, de quoi payer plus cher37) de mauvais soldats et de bons chanteurs? Non: selon les loix, ma fortune est bien à moi, car les actes les plus formels me l’ont donnée. Selon l’équité, elle n’est pas moins à moi: personne n’en feroit, je l’ose dire, un meilleur usage. Je vis sans profusion, et cela par principe encore plus que par prudence. Je donne par-tout oû je vais, je fais donner par-tout oû j’ai du bien, mais les François sur-tout dans quelque rang qu’ils soient nés, de quelque opinion qu’ils soient les victimes, excitent dans mon coeur le plus vif intérêt, et 38) supposé que mes parens leur aient pris quelque chose, j’ai soin de leur en payer continuellement la rente. Je vous étonne, continua Mme. de Vaucourt, et peu s’en faut que je ne vous éloigne de moi; mais cela passera, et je ne suis pas plus sûre de votre discrétion que de votre estime! - Oh pour ma discrétion... J’y compte,39) interrompit Constance; mais votre estime m’est dûe, et40)je l’aurai. Votre éducation vous a donné des idées spéculatives extrêmement délicates sur quantité d’objets, que vous envisageriez un peu différemment si vous aviez plus vu le monde. Il y a des gens dont l’intérêt seul fait la morale, et que l’intérêt éclaire ou aveugle tant qu’il veut; mais ce n’est ni à vous ni à moi que cela arriveroit. Cependant, permettez- moi de vous dire que l’on pourroit vous chicaner sur bien des choses que vous trouvez toutes simples, et cela parce qu’elles vous conviennent, et que vos principes s’y sont pliés peu à peu. Que voulez-vous dire? s’écria Emilie. Ne voyez-vous pas, dit Constance, qu’au château vous séduisez Théobald, inquiétez sa mère et désolez sa cousine. Il n’y a que le vieux Baron qui, faute de rien voir, ne craigne rien et ne prévoye pas qu’il lui faudra recevoir pour bru une jeune ètrangère expatriée. Eh mon Dieu non! dit Emilie en pâlissant, cela n’arrivera point. Cela arrivera, dit Constance. Vous me supposez sans délicatesse, dit Emilie: comment pouvez-vous me montrer quelqu’estime et vous confier à moi si vous croyez... Je crois tout simplement que vous aimez Théobald, dit Mme. de Vaucourt, et que Théobald vous adore. Je ne vois rien là d’étonnant ni de criminel; et loin de vous exhorter à rompre l’union commencée de deux coeurs faits l’un pour l’autre, je vous conjure de donner le vôtre plus franchement, plus entièrement; de ne conserver ni réserve, ni coquetterie, ni intérêt particulier. Théobald mérite bien qu’on ne marchande pas avec lui, qu’on cesse d’être Françoise, puisqu’il est Allemand, comme aussi d’être fière quand il est passionné. Mais taisons-nous, le voici qui vient avec son ami. Rassérénez votre charmant visage, et essuyez des pleurs qu’on me voudroit trop de mal d’avoir fait couler.
L’effort étoit trop grand pour Emilie, et voulant s’empêcher de pleurer, elle pleura encore plus. C’est moi, c’est ma faute, s’écria Mme. de Vaucourt. Des confidences que j’ai faites à Emilie ont amené cette bourasque; mais Dieu m’est témoin que je l’aime, et que c’est parce que je l’aime que je l’ai fait pleurer. Nous41) venions prier les Dames de se rendre au château, où il étoit arrivé du monde.
On ne put engager Emilie à y aller diner. J’irai, dit Constance; je veux la débarrasser de moi pendant quelques heures, et j’espère que ce soir nous l’aurons avec nous plus calme et plus aimable que vous ne l’avez encore vue.
En un instant la toilette de Mme. de Vaucourt fut faite; nous l’emmenàmes. Théobald étoit extrêmement inquiet et troublé.




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